Le théâtre est l’art vivant qui réunit acteurs, texte, espace scénique et auditoire dans une représentation incarnant récits et situations par le jeu et la mise en scène.
Dans la Grèce archaïque, les fêtes dionysiaques tissent un lien entre rite et spectacle. L’agon dramatique, compétition organisée lors des Grandes Dionysies d’Athènes, consacre la tragédie comme forme d’expression politique collective. Chez Eschyle, Sophocle puis Euripide, la catharsis agit comme purgation des affects et renforce la cohésion civique. L’articulation entre mythos (trame) et logos (discours) fonde déjà un vocabulaire dramatique transmis à l’Occident entier.
Construit en gradins concentriques, le theatron autorise une diffusion acoustique remarquable grâce à une pente étudiée. L’orchestra, cercle réservé au chœur, côtoie la skènè où apparaissent dieux mécaniques et décors peints. Chez les Latins, l’édifice se ferme à l’aide du scaenae frons, vaste façade monumentale. Par cette transformation, le spectacle gagne un cadre fixe favorisant l’illusion picturale tandis que les Romains multiplient les effets scéniques — trappes, toiles coulissantes, machineries hydrauliques.
À travers la performance des acteurs masqués, la cité proclame ses récits fondateurs et réaffirme son système de valeurs. Le chœur, intermédiaire entre héros et auditoire, commente l’action, éclaire les enjeux moraux et ponctue l’espace sonore d’une rythmique strophique. Ainsi se dessine le premier modèle de médiation culturelle collective.
Durant le haut Moyen Âge, la liturgie dramatise la Quem Quaeritis au sein même des nefs. Progressivement, le jeu sort de l’église : estrades mobiles (mansiones) et places publiques accueillent des cycles dédiés au salut — mystères, miracles, moralités. Grâce à ces formes, l’allégorie rencontre la pédagogie : vices et vertus marchent sur les planches pour incarner la théologie.
Au XVIe siècle, Londres inaugure The Theatre puis le Globe, rotondes de bois situées hors des murailles afin de contourner la censure municipale. Shakespeare offre au théâtre élisabéthain une langue foisonnante et une structure architectonique souple, prête à multiplier ruptures de ton et changements d’espace. En Espagne, Lope de Vega organise le corral autour d’une cour intérieure, tandis qu’en France l’Hôtel de Bourgogne amorce la professionnalisation des troupes.
Les architectes de la Renaissance, inspirés par Vitruve, redécouvrent la perspective. Le Teatro Olimpico de Vicence offre un décor fixe en profondeur, exploitant la scène à l’italienne et ses rues convergentes. La commedia dell’arte, quant à elle, introduit l’improvisation codifiée et le masque demi‑visage, enrichissant l’art du comédien d’un canevas gestuel hérité de la farce latine.
Sous l’influence de Malherbe puis de Richelieu, l’Académie française légitime un art oratoire mesuré. La bienséance régule le langage et l’action, préservant la dignité des personnages. Racine condense passions et syntaxe afin de conduire l’auditoire vers un sentiment d’élévation tragique.
Dérivée de la Poétique d’Aristote, la triade unité d’action, de temps, de lieu cherche à maintenir la vraisemblance. Dans Le Cid, Corneille interroge déjà cette contrainte en étirant la durée narrative ; la Querelle du Cid met en lumière la tension entre invention dramatique et précepte académique. Cette dialectique structure la dramaturgie néo‑classique jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
L’héroïne racinienne, placée entre désir et devoir, incarne la fatalité. La parole, ciselée en alexandrins, confère à la tragédie un rythme réglé qui amplifie la montée affective. Sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne puis de la Comédie‑Française, l’acteur tragique adopte une gestuelle stylisée, soulignée par le costume à paniers et la perruque.
La bataille d’Hernani (1830) symbolise la rébellion romantique contre l’unité et la bienséance. Hugo revendique le mélange des styles, l’irrégularité architecturale de la pièce ainsi que la valorisation du grotesque. L’histoire se change en matière dramatique, la scénographie multiplie tentures, herses et praticables afin d’évoquer le fracas du monde moderne.
Le vers impair, l’enjambement et la syncope rythmique ouvrent un champ prosodique inédit. Le héros, désormais conscient de ses contradictions, médite sur la fatalité et l’ampleur cosmique de ses choix. Par une diction plus libre, l’acteur transmet une sensibilité troublée, en phase avec l’esprit du XIXe siècle.
Les dramaturges réalistes, de Scribe à Sardou puis d’Ibsen à Tchekhov, examinent les structures familiales, les pressions économiques, l’hypocrisie sociale. Le quatrième mur se formalise, invitant l’auditoire à observer une intimité dépourvue d’artifice. La scénographie privilégie des décors fermés, méticuleusement détaillés, transformant la scène en salon, cabinet médical ou salle d’attente.
Maeterlinck prône un théâtre de l’âme, où la parole s’efface devant une atmosphère de clair‑obscur. Les expressionnistes allemands, quant à eux, distordent l’espace et la lumière pour traduire l’aliénation urbaine. Le plateau se peuple de silhouettes anguleuses, l’orchestre syncope la musique, accordant à l’ambiance sonore une dimension plastique.
Après 1945, Beckett, Ionesco et Adamov dénoncent l’échec du langage rationnel. Les dialogues fragmentés, les répétitions et le silence exposent l’angoisse d’une humanité privée de repères métaphysiques. En attendant Godot résume cette condition suspendue : deux vagabonds résistent au vide grâce à un jeu de mots et de gestes dérisoire, révélant la force rituelle du plateau.
Antoine, Stanislavski puis Meyerhold révolutionnent la direction d’acteur, soit par la sincérité psychologique, soit par la biomécanique. Craig et Appia affirment la prééminence d’une scénographie conceptuelle où lumière modulable et volumes abstraits libèrent la fable des dictats naturalistes. Il en résulte une esthétique de la composition globale, dans laquelle chaque élément contribue à un organisme scénique cohérent.
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